Récits pour une approche féministe de l’engagement
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Relecture : Juliette Rousseau, Marie Afonso et Sylvain Bertrand
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Éditions du commun © février 2022
Atelier des passages © février 2022
ISBN : 979-10-95630-49-4
Dépôt légal : février 2022
[1] Je n’ai pas la mémoire complètement exacte des attaques successives, mais si je devais décrire ça un peu dans les grandes lignes, je dirais que les orientations communistes de la Sécu ont été sapées dès sa création après-guerre. Le premier principe à sauter : « l’universalité » du système, c’est-à-dire le fait que ce soit le même pour tou·te·s, quelle que soit la catégorie professionnelle. Les secteurs ou entreprises ayant déjà leur propre caisse ne voulaient pas passer au régime général de la Sécu, rechignaient à abandonner leurs acquis, et le contrôle direct qu’elles avaient sur leurs organisations, liées à l’histoire des mutuelles ouvrières… Ce qui signifiait de ne pas envisager une solidarité avec l’ensemble de la population. Les personnes qui mettaient en place la Sécu ont lâché assez vite, partant de l’idée que l’intégration se ferait plus tard, de manière progressive…
Ce qui ne s’est pas vraiment réalisé. Ça a donné ce qu’on appelle les régimes spéciaux.
Ensuite, ce sont les règles de gestion qui ont été attaquées. Les ordonnances de 67 imposèrent l’obligation d’équilibre financier au sein de chacune des trois branches et surtout, le strict paritarisme dans les conseils d’administration, réduisant à 50 % la représentation des assuré·e·s sociaux et ramenant à égalité celle du patronat. C’était la fin de la gestion paritaire, c’est-à-dire de la représentation majoritaire des travailleu·se·s, premi·ère·s concerné·e·s. Cette mesure permettait au patronat de prendre le contrôle sur toutes les décisions de montants et de calculs.
Au fil des années, l’État multiplia ses attaques. Et afin de réduire la place des organisations syndicales des salarié·e·s et de leur projet initial, communiste et révolutionnaire, il introduisit au sein des conseils d'administration (CA) des représentant·e·s de la Mutualité française (fédération des principales mutuelles de santé et de protection sociale), des associations familiales, des associations de malades et de personnes qualifiées. Une partie de ces voix étaient « à gauche » mais leurs perspectives réformistes, sociales démocrates, ne faisaient plus barrage aux positions patronales, aux orientations de droite. Et surtout, elles remettaient en cause la représentativité des cotisant·e·s. Cette tendance était encore renforcée par le jeu trouble du syndicat FO, qui prenait systématiquement position en faveur du patronat, en échange de postes de direction pour ses membres au sein des entreprises.
En 1996, la réforme du plan Juppé accrut le rôle du Parlement et instaura les lois de financement de la Sécurité sociale dans lesquelles se trouvent intégrés les objectifs nationaux de dépenses de l’assurance maladie. La loi Douste-Blazy en 2004 installa au sein de l’assurance maladie des conseils, réduisant le pouvoir des CA à l’orientation et au contrôle, et donnant les pleins pouvoirs aux directeurs sur la gestion. La loi HPST de 2009 instaura un encadrement encore plus strict de l’assurance maladie et mit en œuvre les Agences régionales de santé, bras armés du gouvernement en région… Aujourd’hui toutes les décisions des caisses de Sécurité sociale sont soumises de fait à l’approbation des différents ministères des finances, du budget, de la santé et du travail. Un encadrement strict par l’État.
[1] Klaus Theweleit : théoricien de la culture et écrivain. Son étude en deux volumes Männerphantasien (Les phantasmes des mâles) s’inscrit dans l’analyse du national-socialisme et est considérée comme l’une des premières recherches sur la masculinité. Dans son livre, fortement inspiré par la psychanalyse ainsi que par Deleuze et Guattari, il examine la conscience fasciste et l’empreinte militaire du moi.
[2] Unidad Popular (UP) : alliance électorale des partis de gauche chiliens, fondée le 17 décembre 1969. Aux élections du 4 septembre 1970, l’UP récolta 36,3 % des voix, ce qui en fit la première force du pays. Son candidat, Salvador Allende, devint président. Aux élections locales suivantes, l’UP obtint 49,7 % des voix. Le gouvernement Allende fut renversé lors du coup d’État militaire du 11 septembre 1973, sous la direction du général Augusto Pinochet, soutenu par les services secrets américains.
[3] Treuhandanstalt : organisme en charge de la privatisation des biens de la RDA, créé dans les derniers jours du régime en 1990, et ayant pour mission de rendre « commercialisables », les usines et l’ensemble des biens auparavant collectivisés de la RDA, par le biais de réorganisations, de privatisations ou de fermetures. C’était le « symbole d’un capitalisme brutal et débridé », selon Iris Gleicke.
[4] Zorba le grec : film de 1964, de Michael Cacoyannis, d’après le roman de Nikos Kazantzakis.
[1] Conseil national : chambre basse de l’Assemblée fédérale suisse, renouvelée tous les quatre ans, équivalent de l’Assemblée nationale en France, composée de 200 parlementaires.
[2] Grand Conseil : parlement à l’échelle cantonale, composé de 150 parlementaires élu·e·s pour cinq ans. Sur le canton de Vaud, il y a environ 1 200 élect·rice·s pour un·e parlementaire.
[3] Grève générale de 1918 en Suisse : à l’automne 1918, à l’approche du premier anniversaire de la révolution d’Octobre, et craignant que des manifestations spontanées fassent « passer la Suisse au bolchevisme », le Conseil fédéral (le gouvernement suisse) ordonne l’occupation militaire de Zurich ; le comité d’Olten qui regroupe les forces politiques et syndicales du socialisme suisse, répond alors par une grève générale contre la « dictature des sabres » suivie par 250 000 ouvrièr·e·s et employé·e·s des différents secteurs, tandis que près de 100 000 soldats sont déployés à travers le pays et brisent la grève. Cette grève générale est souvent considérée comme l’événement qui a fait trembler la bourgeoisie suisse.
[4] Care : terme anglais repris comme concept pour englober les notions de soin, de souci, de proximité, d’attention à autrui, afin de visibiliser le travail de care (to take care), c’est-à-dire le fait que des personnes, très majoritairement des femmes, s’occupent des autres, s’en soucient et veillent ainsi au fonctionnement ordinaire du monde dans le cadre domestique et quotidien, et donc le plus souvent tenu pour secondaire, invisible, non-payé.
[5] Mourir Debout, soixante ans d’engagement politique, Anne-Catherine Menétrey, Éditions d’en bas, 2018, 450 p. Avec l’accord de l’autrice, certains passages de cet entretien ont été prolongés en s’appuyant sur cet ouvrage.
[1] L’anarcho-syndicalisme est un mode d’expression de l’anarchisme. C’est une stratégie qui parie sur l’utilisation du syndicalisme pour favoriser la révolution. À la différence des autres syndicalistes révolutionnaires, les anarcho-syndicalistes ne veulent pas d’une dictature du prolétariat mais prônent l’autogestion, l’anti-autoritarisme, le fédéralisme et la démocratie directe. Iels veulent une organisation horizontale.
[2] ZAD : Zone à défendre contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à coté de Nantes. La zone occupée par des opposant·e·s au projet a subi plusieurs vagues d’expulsions dont la plus grosse et la plus connue est celle de l’automne 2012, ce qui avait contribué à largement médiatiser cette lutte.